L’esprit de la DDNM : pour une démocratie fonctionnelle et vertueuse
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Ensemble de pistes de réformes et de préceptes civiques, le présent corpus propose des actions pour une démocratie plus fonctionnelle et vertueuse. Il nous appelle, nous les citoyens, à assumer notre responsabilité dans le marasme politique que nous déplorons continuellement, à oublier les faux prophètes et les boucs émissaires, et à entretenir le don le plus précieux de la modernité : notre autonomie.
Il est composé :
L’avant-propos qui suit vise à exposer l’esprit et les considérations ayant guidé la rédaction de ces différents textes.
Imaginez un monarque aux pouvoirs absolus mais entouré de mauvais conseillers, cerné par les conjurateurs, contraint de composer avec les intérêts particuliers de multiples baronneries, corporations ou clergés, et incapable de tenir tête à ces mauvaises influences parce que trop immature, craintif, ignorant de l’étendue de son pouvoir et inconscient de l’ampleur de ses responsabilités. Un tel roi serait inapte à exprimer clairement ses désirs et à imposer sa propre volonté. Le pouvoir passerait bien par lui, les lois nécessiteraient toujours sa sanction pour être lois et produiraient bien les effets qu’elles auraient vocation à produire, mais il ne maîtriserait pas pleinement les ressorts de cette puissance. Ce roi, bien présent et en même temps factice, ne pourrait même pas fixer ses propres limites et objectifs : ceux-ci lui seraient imposés ou habilement suggérés, parfois même sans qu’il en ait conscience. En un mot, il ne serait pas réellement autonome et sa souveraineté se révélerait en pratique purement formelle.
Remplacez ce roi par une vaste assemblée d’individus dotés collectivement et solidairement de la même dignité et des mêmes prérogatives : le résultat sera plus ou moins identique. Notre époque le montre chaque jour. Ce roi, c’est nous, le peuple dont tous les pouvoirs découlent directement ou indirectement. Même s’il nous semble plus intuitif de voir dans les chefs d’État et de gouvernement contemporains les successeurs des anciennes dynasties, le peuple est en réalité son propre monarque depuis bien longtemps. L’État, c’est nous, la nation à laquelle la dignité de souverain a été transférée en 1789. La couronne symbolisait autrefois la permanence et l’intégrité de cette souveraineté, indépendamment du caractère mortel et corruptible du corps physique dont elle coiffait la tête ; c’est aujourd’hui la nation qui remplit ce rôle par son immuabilité, indépendante du renouvellement constant du corps des citoyens qui se fondent en elle. Mais, à l’instar de ce souverain fantoche que nous avons imaginé, le peuple ne semble pas encore disposer de la totalité des ressources qui lui permettraient de mettre en œuvre ce pouvoir de façon consciente. Cela supposerait qu’il sache définir son intérêt, identifier ses objectifs et exprimer sa propre volonté. Il n’est pas totalement émancipé à l’égard des régents et courtisans censés se contenter de le conseiller dans l’exercice du pouvoir et se tenir en retrait quand vient le temps des grandes délibérations. Aussi claires soient-elles, il peine à se reconnaître dans les décisions prises en son nom, dont le sens comme les implications profondes lui échappent souvent, parfois même jusqu’à ce qu’il en ressente les effets.
Dans un régime républicain et démocratique, les intentions du souverain ne souffrent pourtant d’aucune opacité d’un point de vue juridique. Pour s’en rendre compte, il faut distinguer ces intentions des mobiles politiciens qui animent les stratégies électorales et les oppositions partisanes sur la scène publique : les deux ne répondent pas aux mêmes maîtres. Les intentions du peuple sont en fait les conséquences attendues et logiques des lois, produites par une lecture fidèle des textes et de leurs motifs officiels, et d’autant plus évidentes que le système républicain est avant tout fait de règles écrites, délibérées et rendues visibles aux yeux de tous. Dans ce cadre, les normes ne s’entourent d’aucun mystère : nulle clé de lecture si jalousement gardée, nul sens si profondément enfoui que les disputes à leur sujet ne puissent être réglées pacifiquement par une délibération bien conduite. Il est possible de se méprendre gravement et de se disputer sans fin sur la force, sur la moralité ou sur le caractère d’un chef ; de telles controverses sont moins susceptibles de prospérer s’agissant de règles accessibles à toute la population. On peut débattre du sens exact des mots inscrits dans le marbre juridique, mais on ne peut certainement pas, contre l’évidence, en déduire des normes incompatibles avec ce qui s’affiche sous nos yeux. On ne peut pas tirer le sang des pierres. Aucun intérêt, aucun objectif du peuple souverain ne peut être dissimulé, car le processus par lequel il s’exprime (la délibération par tous des affaires qui intéressent potentiellement tout le monde) l’interdit mécaniquement. La confiance dans la validité d’un ordre respectant des formes et procédures préétablies est naturellement pérenne, car un tel système incite à la cohérence et à la clarté aux yeux de tous. Ainsi, lorsque le droit prévaut, les erreurs, les abus et les excès peuvent toujours être sanctionnés et les controverses qu’ils déclenchent éteintes. En définitive et en dépit de toutes les protestations qu’on peut opposer à cela, toutes les orientations et lignes idéologiques que nous suivons bon gré mal gré sont bien le fruit de nos choix (ou absences de choix) politiques. La nature du problème n’est pas juridique : il n’y a pas de fraude, pas d’abus, pas de secrets qui attendent d’être percés pour que se dévoile la structure véritable du système. Le problème est fonctionnel : il est que le peuple ne maîtrise pas les attributs de sa souveraineté, que les débats qui l’animent sont trop superficiels pour déterminer ses désirs et que les lois qui en résultent ne reflètent donc qu’imparfaitement ceux-ci. Comme un individu dont la conscience serait altérée, il ne parvient pas à assumer son comportement et ses conséquences.
Un premier enjeu pour les textes compilés dans le présent corpus est de libérer le peuple de cette camisole intellectuelle qu’il s’inflige à lui-même ou qu’il subit passivement, en clarifiant les conditions d’expression de son intérêt et de sa volonté.